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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/110

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L’ENTHOUSIASME

prononça-t-elle, que si tu l’aimes entièrement, que si tu peux l’aimer sans partage.

— Je te le jure.

Et il y a tant de similitude entre l’émotion de l’amour et celle que nous éprouvons à nous sentir meilleurs, que je me demandais si je n’aimais pas Armande.

Me levant je l’embrassai au front.

— Ne soyons pas tristes, nous nous reverrons demain ou après-demain, et puis toujours… il me serait intolérable de ne plus te voir et de renoncer à ton amitié… tout s’arrangera.

« Je parlerai à Geneviève, pensais-je en m’en allant, je lui expliquerai la conduite et le caractère admirable d’Armande. Elle ne sera pas jalouse. Sans doute même elle voudra la connaître. »

_ Ce projet m’enthousiasmait. J’imaginai entre les deux femmes et moi une intimité très haute et très confiante. Je serais l’amant de l’une, l’ami de la seconde, et toutes deux s’aimeraient pour m’être agréables. Avec ce penchant cruel qui nous pousse à achever ceux qui immolent la moindre parcelle d’eux-mêmes, et à ne tenir aucun compte d’une souffrance dont ils semblent faire si bon marché, je n’étais pas loin d’entrevoir en Armande une complice qui favoriserait mes rendez-vous et monterait la garde autour de sa propre maison.

Du côté de Berthe et de Nanthilde je me libérai sans y mettre tant de formes. Le jour même quelques lignes leur annonçaient ma résolution.