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L’ENTHOUSIASME

son profit des découvertes dont dépend la félicité du monde.

Faut-il voir aussi dans ma conduite un reste de ce besoin d’ostentation qui m’avait déjà entrainé ? Ce que j’attribuais de vérité générale à ces idées éveillait mon désir de propagande, mais ce qu’elles ont d’excentrique en un milieu de province ne flattait pas moins mon orgueil. Je fus sincère en mes opinions, mais fier de les avoir et, par conséquent, avide à les crier. Je le fis, et avec toute l’exagération de la jeunesse.

Mère me crut fou. Je disais des choses qu’elle ignorait que l’on pût penser. Pour elle cela ne se distinguait pas des horreurs de la Commune et lui rappelait les chansons abominables que hurlaient dans les rues Saint-Jore, en 71, des bandes de malfaiteurs armés d’un drapeau rouge où des lettres d’étoffe noire étaient cousues : « Ni Dieu, ni maître. »

Le jour où j’excusai l’auteur d’un attentat anarchiste dont tout le monde s’entretenait alors, elle eut une crise nerveuse. De mon côté je me lamentais sur la misère du peuple. À la fin, nous nous jetâmes dans les bras l’un de l’autre.

Elle invoqua l’aide de Philippe, homme d’excellent conseil, esprit judicieux, chef d’usine et, comme tel, au courant des besoins de la classe ouvrière. Après de vifs débats Philippe conclut :

— Il n’y a pas à discuter, ce sont des utopies.

Au Cercle la bonne nouvelle que je m’empressai