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L’ENTHOUSIASME

sois-en sûre. Et puis je n’obéis pas qu’à cela, bien des choses me plaisent parce qu’elles sont belles, bien d’autres me répugnent parce qu’elles sont laides… C’est vrai, à mon âge, on va un peu à l’aventure quand on ne veut de guide que soi-même. Mais je suis incapable d’une action vilaine.

— Ce qui n’est pas vilain à tes yeux, peut l’être aux yeux des autres.

— Je m’arrangerai pour ne pas attirer les regards. Après tout, tu as raison, je verrai M. Berthier chez lui, et je tâcherai de me taire et d’être plus habile et plus réservé, je te le promets.

Elle soupira :

— Pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

Mes cahiers de l’époque témoignent d’une sorte d’incertitude à la suite de cette conversation. Je me demandai ce qu’il y avait de légitime en la façon dont on me jugeait et si je méritais vraiment tant de blâmes. Mes réflexions furent sincères, car je n’avais pas d’orgueil vis-à-vis de moi-même, et la perspective de me trouver en défaut ne m’était nullement pénible.

« Quel forfait exécrable ai-je donc commis ? Avoir eu deux ou trois liaisons ne constitue rien d’anormal. Être l’amant d’une femme et se plaire auprès de son mari ne déshonore point, étant donné surtout les conditions très spéciales du ménage Berthier. Mon amour pour Geneviève ? Personne, sauf mère et Mme Landol, ne le connaît. D’ailleurs est-ce un crime d’aimer et de se dévouer à qui l’on aime ?