Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
L’ENTHOUSIASME

Et combien d’autres, à ma place, pour qui ces quelques heures eussent été empoisonnées par les épouvantes de Geneviève, par cette peur qui la. clouait chez elle pendant des semaines ou l’obligeait à passer tout droit devant la rue des Arbustes, par cette peur qui rôdait autour de nous comme un esprit malfaisant, par cette peur irréfléchie en laquelle se résumaient toutes les faiblesses nerveuses et toutes les servitudes morales de la femme !

D’autres soucis auraient pu m’assombrir également. Malgré la contrainte que je m’imposais auprès de mère, je ne vis pas Geneviève une seule fois sans que l’expression de mon visage ne la renseignât. Et de même, il me suffisait de l’observer pour suivre sur le sien le cours des événements. Chaque potin s’y incrustait en rides. Geneviève, l’enfant qu’elle avait élevée, l’épouse qu’elle avait offerte à cet honnête et loyal Philippe, Geneviève était la maitresse de son fils ! On en jasait, on associait leurs deux noms, On souriait aux propos qui couraient la ville… Quelle honte !

Bien entendu les conseils pleuvaient : « Si j’étais vous, j’aviserais, Lucienne… Certes je fais la part de l’exagération, mais il n’y a pas de fumée sans feu… des mesures énergiques sont nécessaires… il faut couper court… » On s’offusquait de sa mansuétude et, pour un peu, on l’eût rendue responsable de ma conduite. S’imagina-t-elle point d’ores et déjà remarquer, dans l’accueil de celles qui ne se permettaient pas de prendre voix au chapitre,