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L’ENTHOUSIASME

Que se passa-t-il au juste ? par quels mots, par quel silence se traduisit sa stupeur ? Je ne sais, je remettais consciencieusement en ordre les jacinthes et les fougères, et aucune raison spéciale ne me semblait motiver l’interruption d’un travail aussi considérable. Philippe est à genoux devant sa femme, il la relève, il l’étend sur deux chaises, il la soigne, rien ne m’émeut. Ces événements sont si naturels ! N’arrive-t-il pas tous les jours qu’une jeune femme et qu’un jeune homme se rejoignent dans une serre, que la jeune femme s’évanouisse et que le jeune homme range des pots de fleurs. Philippe se multiplie, frappe les mains de la malade, lui tâte le pouls, cherche de l’eau dans les arrosoirs. Moi, je sifflote d’un petit air dégagé.

Mais tout à coup, nous sommes seuls, les deux sœurs et moi : Philippe s’est élancé dehors et court vers la maison en quête d’un flacon de sels. Alors je me précipite sur Mme Landol.

— Il faut dire que vous étiez avec nous, avant… que nous étions ensemble, tous trois, au salon, ou ici…

— Vous plaisantez ? pourquoi mentirais-je ? vous n’aviez qu’à être plus habiles…

Elle ricanait, ce qui m’exaspéra. Je l’insultai, je lui tordis les poignets : elle ne cédait pas.

— Écoute, Berthe, tu vas sauver ta sœur, je le veux, tu le feras… sinon… sinon.

Comment la dompter, la mauvaise créature ?