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L’ENTHOUSIASME

— Tu ne partiras pas, je te le défends, Pascal. est-ce que je vivrais sans toi ? je viendrai… je viendrai malgré tout…

Je ne la reconnaissais pas.

— Tu viendras, Geneviève ?… malgré tout ?…

— Philippe, dit-elle.

Il descendait les degrés du perron. Il nous vit. Son buste se redressa d’un mouvement brusque. Mouvement de rage ? de douleur ? Nous n’avions pas bougé, Geneviève et moi, les mains simplement désunies. Sans une parole, il marcha vers sa femme et lui saisit le bras, violemment, en maître.

Elle se dégagea.

— Et Pascal, tu ne lui dis pas bonjour ?

Je crus qu’il allait se ruer sur elle, mais un gamin, une femme, s’étaient arrêtés. On nous observait. Il se contint.

— Je t’ordonne de me suivre, murmura-t-il, effroyablement pâle.

Il l’entrainait. Une seconde fois elle le repoussa, s’approcha de moi, et me tendit les deux mains.

— Au revoir, Pascal, à bientôt.

Tout bas, dans un souffle :

— Demain, me dit-elle.

Ils s’éloignèrent.

Vingt, trente personnes avaient contemplé la scène, comme des spectateurs au théâtre. On en distinguait tout autour, aux loges des premiers étages, au parterre de la chaussée, dans les baignoires des magasins. J’eus envie de les saluer ou de leur