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L’ENTHOUSIASME

qui m’oblige à partir, mais, si tu veux, je resterai.

— Non, c’est inutile.

— Geneviève ne sort plus, je ne te quitterais guère… tu vas être si seule ! tu es toujours si seule, en réalité.

— Je ne l’étais pas… avec Catherine…

— Eh bien, veux-tu ?

— Vraiment, Pascal, cela ne servirait à rien.

Je le compris en effet. Elle est de ces êtres que l’on n’a jamais envie de consoler, alors même que leur souffrance vous bouleverse. À peine si l’on a pitié d’eux. Qu’ils s’arrangent ! ils ont la force et ils ont l’orgueil.

— Où vas-tu ? me dit-elle.

— À Nice.

— À Nice ? tu enverras des fleurs à Bellefeuille, tous les jours, des fleurs blanches.

J’avais des larmes aux yeux. J’aurais voulu qu’elle en répandit également.

— Tu ne pleures pas, Claire ?

— Si, quand je serai seule.

Dans la campagne de Nice, aux premières pentes des collines qui montent vers les Alpes, je louai une chambre d’où l’on dominait des terrasses d’oliviers, la ville, puis la mer. Là se sont écoulés des jours sur lesquels je n’insisterai point. D’autres épreuves m’étaient réservées, plus navrantes, qui ne m’ont pas laissé un souvenir aussi morne que cette période d’inaction volontaire, survenant après