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L’ENTHOUSIASME

Mère ne répond point. Une rosée de sueur baigne mon corps.

— Pourquoi hésites-tu ? il faut que les choses soient bien établies, c’est définitif, n’est-ce pas ?

D’une voix ferme, elle prononce :

— Eh bien non, Geneviève s’est engagée pour l’avenir, mais je crois que tu peux faire d’elle ce que tu voudras… si tu persistes, elle te suivra.

— Est-ce vrai ? Ne me trompe-t-elle pas par compassion ? Pendant deux jours je m’acharne autour de ces quelques mots, je les retourne dans tous les sens, je tâche de me les assimiler, et j’insinue :

— Tu ne crains donc pas que je profite ?

— De quoi, Pascal ? (car elle n’a pas comme moi, depuis l’avant-veille, rongé obstinément la même pensée).

— De ce que tu m’as dit pour Geneviève ?

— Non, j’ai la certitude que tu renonceras à ton projet, et j’aime mieux agir franchement et m’adresser à ta raison. D’ailleurs toute solution qui ne viendra pas de toi sera passagère. C’est à toi de décider en dernier ressort.

— Et si je décide d’emmener Geneviève ?

— Eh bien, tu l’emmèneras, je ne m’y opposerai plus.

Elle ne me trompe pas, j’en suis sûr, et sa loyauté m’apparaît si haute que je lui embrasse la main, non pour la remercier du bien qu’elle me fait, mais en guise d’admiration et de respect.

…Je vais mieux cependant. Mère ne mesure