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L’ENTHOUSIASME

limites changeantes et indécises que le devoir consiste justement à deviner.

— Voilà bien ce que je voulais te dire, Pascal, quand on jette des cailloux dans l’eau, cela fait des cercles qui se bousculent, et c’est le plus gros caillou qui l’emporte. Tu as été le plus gros, toi. Tu étais jeune, plein d’ardeur et d’exubérance, et tu as débordé de tous côtés, tu m’as brusquée, tu as entraîné Geneviève, Berthe et d’autres, tu as bousculé tout le monde. C’est là ta faute, Pascal.

— Pouvais-je l’éviter ?

— Certes. Je ne préciserai pas ce que tu aurais dû faire ou ne pas faire, mais il suffit d’avoir en soi la pensée constante que les autres ont les mêmes droits que nous, pour être sûr de ne pas aller au delà de nos droits personnels. Cette pensée, tu ne l’as pas eue.

— J’ai trop aimé, lui dis-je, cela vous aveugle. Si tu savais comme j’aime Geneviève !

— Je le sais, j’en étais jalouse.

— Ah ! m’écriai-je, si tu l’avoues, c’est que tu es certaine que tout est fini entre elle et moi ! Non, je ne veux pas, je ne la quitterai pas… vivre sans elle !… elle est ma vie depuis six ans… depuis toujours…

— Ta vie, Pascal ! est-ce que tu n’as pas d’autre ambition que de remplir ta vie avec l’amour d’une femme ?

— C’est le seul bonheur.

— Est-ce donc tout d’être heureux ? Laisse le