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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/296

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L’ENTHOUSIASME

mots qui nous unissent. Je palpitais de tendresse et de sincérité. Il murmura :

— Tu vas t’en aller de Saint-Jore, n’est-ce pas ?

Hélas ! pourquoi prenait-il cet air humble ? Ne voyait-il point que j’étais prêt à obéir, que je voulais obéir, et qu’il fallait me chasser plutôt que de me contraindre à décider moi-même sur ma destinée, sur la sienne, sur celle de mère, sur celle de Geneviève ? Mais non, il attendait. C’était à moi de consentir à la souffrance et de libérer tous ces êtres chéris du joug pesant dont les écrasait l’épanouissement implacable de ma jeunesse, ou bien de réclamer Geneviève et d’imposer les droits de mon bonheur.

Obstinément je me mis à chercher un parti qui fût à la fois conforme à mon devoir, à mes désirs et aux désirs de Philippe. À quoi bon ? Les réflexions confuses qui s’ébauchaient en moi, aboutissaient toutes à la même conclusion égoïste, sans que nul argument réclamât le sacrifice. En paroles tumultueuses mais évidentes, je ne recevais de ma raison que l’ordre de résister, d’être logique avec moi, et de ne point abandonner, au moment de la réaliser, l’œuvre poursuivie à travers tant de vicissitudes. Et que de conseils analogues m’arrivaient du fond de mon être, de mes instincts et de mes goûts, de mes sens et de mon imagination !

— Tu vas t’en aller, n’est-ce pas ? répéta Philippe.

Je frissonnai de sympathie, et je le regardai