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L’ENTHOUSIASME

— Je n’oserai jamais, murmurai-je.

Elle me fit une place à ses côtés.

— Vous n’oserez pas quoi ?

« Que je lui dise un mot, pensai-je, qu’elle soupçonne seulement que je l’aime, et je suis perdu, elle me repoussera. »

Geneviève me souriait de ses jolis yeux gris, de son clair visage aux cheveux ardents et aux lèvres délicates. Sa beauté m’éblouit comme un paysage de soleil. Je me sentis misérable, vilain, insignifiant. Les mots d’admiration que mon esprit en désordre s’acharnait à rassembler ne formaient point de phrases. Allais-je rire ou pleurer, lui embrasser la main, ou bien m’agenouiller, ou bien m’enfuir ?

— Geneviève, faites comme ce soir où l’on nous a laissés seuls à l’autre bout de la pelouse… vous vous souvenez ?… votre abandon… je vous en supplie, j’ai à vous parler.

— On n’y voyait pas, Pascal, dit-elle en rougissant.

Elle ne souriait plus maintenant. J’eus l’intuition qu’elle était comme moi, naïve, ignorante et puérile, et qu’elle tremblait comme moi, comme tremblent ceux qui vont dire et entendre pour la première fois des paroles solennelles. L’aveu fut visible sur nos lèvres et dans nos yeux. Je sus qu’elle m’aimait en même temps que je lui confiais mon amour. La même volonté éperdue nous agita, la même angoisse nous retint un moment au bord