Aller au contenu

Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
L’ENTHOUSIASME

laient sur les banquettes, sur mes genoux et sur mes épaules. Et de fait, quand j’approchais de Nanthilde, au lieu de se jeter à mon cou elle semblait défaillir sous un fardeau imprévu. La touchante créature ! Aux minutes d’expansion où mes paroles et mes serments la frappaient à coups précipités, je devais m’interrompre de crainte qu’un mot de plus ne brisât son âme fragile. Des fois, elle fut ma sœur tout simplement. Les baisers l’eussent endolorie.

— Aujourd’hui, Pascal, il faut me donner un tout petit peu de bonheur seulement, grand comme ça… tu m’en donnes toujours trop… Tu resterais en dehors de la tour, je ne te verrais pas, mais je saurais que tu es là, cela me suffirait.

Plus hardie cependant, elle m’entraîna une nuit vers l’étang, vis-à-vis de la façade postérieure du Logis, et me fit monter dans la barque dont elle se servait pour éviter la salle où buvait M. de la Vaunoise. Elle me laissa au bas d’un escalier que dominait une porte, puis revint en chuchotant :

— Ils dorment sous la table.

Et le long des couloirs obscurs, à pas sourds, la gorge sèche, je gagnai la chambre de Nanthilde.

— J’ai voulu voir tes yeux, me dit-elle, et que tu voies les miens.

Je vis aussi le joli corps frêle.

Ces rendez-vous me laissaient une telle palpitation de joie que j’avais toujours envie, le lendemain, d’en raconter les détails à Mme Berthier. Nulle