Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
L’ENTHOUSIASME

comme au temps de Bellefeuille, on cite des faits. On t’a rencontré avec la femme d’un vieux professeur, on cause aussi d’une dame de notre entourage, — une allusion probablement à Geneviève — enfin on a remarqué que tous les dimanches soirs une voiture t’attend au coin de la rue Théodore-Leprince et te ramène au point du jour.

— Bigre ! ce que on est renseigné ! De qui tiens-tu ces informations ?

— Sont-elles vraies ou fausses ? L’essentiel est là. Que répondre ?

— En effet, répliquai-je, comment se défendre contre les insinuations de personnes qui n’affirment rien puisqu’elles n’ont pas vu, mais qui se retranchent derrière les affirmations de celles qui ont vu ou qui connaissent des gens qui ont vu ? « Moi, je vous dis ce qu’on m’a dit. »

Mère me reprocha ma légèreté et conclut tristement :

— Nous ne sommes plus d’accord, Pascal, et malheureusement sur bien des sujets. Dieu veuille que l’état d’esprit où tu es ne nous cause pas d’ennuis !

Avait-elle discerné à mon petit air fat qu’il ne me déplaisait point d’être en butte aux potins de cette espèce, et que ce jeune Pascal à qui l’on prêtait de si beaux exploits ne me semblait pas un personnage de mince envergure ?

En réalité j’étais grisé. Trop de satisfactions diverses et de réussites flatteuses m’étourdissaient.