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Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/131

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L’ÉCLAT D’OBUS
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je ne m’attarde pas à noter les battements de mon cœur ou bien si je ne devine pas le bruit de toute une armée en marche.

« Allons ! je suis folle. Une armée en marche ! Et nos avant-postes à la frontière ? Et nos sentinelles autour du château ?… Il y aurait bataille, échange de coups de fusil… »


Une heure du matin.

« Je n’ai pas bougé de la fenêtre. Les chiens n’aboyaient plus. Tout dormait. Et voilà que j’ai vu quelqu’un qui sortait d’entre les arbres et qui traversait la pelouse. J’aurais pu croire que c’était un de nos soldats. Mais, lorsque cette ombre passa sous ma fenêtre, il y avait assez de lumière dans le ciel pour me permettre de distinguer une silhouette de femme. Je pensai à Rosalie. Mais non, la silhouette était haute, l’allure légère et rapide.

« Je fus sur le point de réveiller Jérôme et de donner l’alarme. Je ne l’ai pas fait. L’ombre s’était évanouie du côté de la terrasse. Et tout à coup, il y eut un cri d’oiseau qui me parut étrange… Et puis une lueur qui fusa dans le ciel, comme une étoile filante jaillissant de la terre même.

« Et puis, plus rien. Encore le silence, l’immobilité des choses. Plus rien. Et cependant, depuis, je n’ose pas me coucher. J’ai peur, sans savoir de quoi. Tous les périls surgissent de tous les coins de l’horizon. Ils s’avancent, me cernent, m’emprisonnent, m’étouffent, m’écrasent. Je ne puis plus respirer. J’ai peur… j’ai peur… »