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Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/18

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L’ÉCLAT D’OBUS

Derrière, le toit débordant un peu au-dessus du chœur, nous mîmes nos bicyclettes à l’abri. C’est alors que le bruit d’une conversation nous parvint de l’intérieur, et que nous perçûmes aussi le grincement de la porte qui s’ouvrait sur le côté.

« Quelqu’un sortit et déclara en allemand :

« — Il n’y a personne. Dépêchons-nous.

« À ce moment nous contournions la chapelle avec l’intention d’y entrer par cette porte, et il arriva que mon père, qui marchait le premier, se trouva soudain en présence de l’homme qui avait dû prononcer les mots allemands.

« De part et d’autre il y eut un mouvement de recul, l’étranger paraissant très contrarié et mon père stupéfait de cette rencontre insolite. Une seconde ou deux peut-être, ils demeurèrent immobiles l’un en face de l’autre. J’entendis mon père qui murmurait :

« — Est-ce possible ? L’empereur…

« Et moi-même, étonné par ces mots, ayant vu souvent le portrait du kaiser, je ne pouvais douter : celui qui était là, devant nous, c’était l’empereur d’Allemagne.

« L’empereur d’Allemagne en France ! Vivement, il avait baissé la tête et relevé, jusqu’aux bords rabattus de son chapeau, le col en velours d’une vaste pèlerine. Il se tourna vers la chapelle. Une dame en sortait, suivie d’un individu que je regardai à peine, une façon de domestique. La dame était grande, jeune encore, assez belle, brune.

« L’empereur lui saisit le bras avec une véritable violence et l’entraîna en lui disant, sur un ton de colère, des paroles que nous ne pûmes distinguer. Ils reprirent le chemin par lequel