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L’ÉCLAT D’OBUS
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avons pour des heures et des heures à nous expliquer tous deux. Tu as tourné la tête à un prince impérial… Et puis tu as été fusillée… Et puis… et puis… Enfin, quoi ! Dois-je demander main-forte pour que tu me suives ?

Elle comprit soudain qu’il parlait sérieusement, et elle lui dit, sans le quitter des yeux :

— C’est vrai ? nous sommes libres ?

— Entièrement libres.

— Nous rentrons en France ?

— Directement.

— Nous n’avons plus rien à craindre ?

— Rien.

Alors elle eut une brusque détente. À son tour elle se mit à rire, dans un de ces accès de joie désordonnés où l’on se laisse aller à toutes les gamineries et à tous les enfantillages. Pour un peu, elle eût chanté, elle eût dansé. Et ses larmes coulaient, cependant. Et elle balbutiait :

— Libre !… C’est fini !… Ai-je souffert ?… Mais non… Ah ! tu savais que j’ai été fusillée ? Eh bien, je te le jure, ça n’est pas si terrible… Je te raconterai cela, et tant d’autres choses !… Toi aussi, tu me raconteras… Mais comment as-tu réussi ? Tu es donc plus fort qu’eux ? Plus fort que l’ineffable Conrad, plus fort que l’empereur ? Mon Dieu, que c’est drôle ! Mon Dieu, que c’est drôle !…

Elle s’interrompit et, lui prenant le bras avec une violence subite :

— Allons-nous-en, mon chéri. C’est de la folie de rester ici une seconde de plus. Ces gens-là sont capables de tout. Il n’y a pas de promesses qui tiennent pour eux. Ce sont des fourbes, des criminels. Allons-nous-en… Allons-nous-en…

Ils partirent.