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Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/34

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L’ÉCLAT D’OBUS

— Oui. C’était le boudoir que ma pauvre mère occupait. Mon père exigea qu’il fût fermé, ainsi que la chambre qui en dépend, et Jérôme posa un cadenas et lui envoya la clef. Ainsi personne n’y a pénétré depuis. Il est ce qu’il était alors. Tout ce qui servait à ma mère, ses ouvrages en train, ses livres familiers s’y trouvent. Et, au mur, en face, entre les deux fenêtres toujours closes, il y a son portrait que mon père avait fait faire un an auparavant par un grand peintre de ses amis, un portrait en pied et qui est l’image parfaite de maman, m’a-t-il dit. À côté, un prie-Dieu, le sien. Ce matin, mon père m’a donné la clef du boudoir, et je lui ai promis de m’agenouiller sur ce prie-Dieu, et de prier devant ce portrait.

— Allons, Élisabeth.

La main de la jeune femme frissonnait dans celle de son mari lorsqu’ils montèrent l’escalier qui conduisait au premier étage. Des lampes étaient allumées tout au long du couloir. Ils s’arrêtèrent.

La porte était large et haute, pratiquée dans un mur épais, et couronnée d’un trumeau aux reliefs dorés.

— Ouvrez, Paul, dit Élisabeth, dont la voix tremblait.

Elle lui tendit la clef. Il fit fonctionner le cadenas et saisit le bouton de la porte. Mais soudain elle agrippa le bras de son mari.

— Paul, Paul, un instant… C’est pour moi un tel bouleversement ! Pensez donc, me voici pour la première fois devant ma mère, devant son image… et vous êtes auprès de moi, mon bien-aimé… Il me semble que toute ma vie de petite fille recommence.