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L’ÉCLAT D’OBUS

Paul observa distraitement :

— Les affiches sont toujours prêtes.

— Oui, mais on va les coller tantôt, monsieur verra ça. Et puis, que monsieur lise le journal. Ces cochons-là — que monsieur m’excuse, il n’y a pas d’autre mot — ces cochons-là veulent la guerre. L’Autriche entrerait bien en pourparlers, mais pendant ce temps, eux ils mobilisent, et voici plusieurs jours. À preuve qu’on ne peut plus entrer chez eux. Bien plus, hier, pas loin d’ici, ils ont démoli une gare française et fait sauter des rails. Que monsieur lise !

Paul parcourut des yeux les dépêches de la dernière heure, mais, quoiqu’il eût l’impression de leur gravité, la guerre lui semblait une chose si invraisemblable qu’il n’y prêta qu’une attention passagère.

— Tout cela s’arrangera, conclut-il, c’est leur manière de causer, la main sur la garde de l’épée, mais je ne peux pas croire…

— Monsieur a bien tort, murmura Rosalie.

Il n’écoutait plus, ne songeant au fond qu’à la tragédie de son destin et cherchant par quelle voie il obtiendrait de Jérôme les réponses qui lui étaient nécessaires. Mais, incapable de se contenir davantage, il attaqua le sujet franchement.

— Vous savez peut-être, Jérôme, que madame et moi nous sommes entrés dans la chambre de la comtesse d’Andeville.

Cette déclaration fit sur le garde et sur sa femme un effet extraordinaire, comme si c’eût été un sacrilège de pénétrer dans cette chambre close depuis si longtemps, la chambre de madame, ainsi qu’ils l’appelaient entre eux.

— Est-ce Dieu possible ! balbutia Rosalie.