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L’ÉCLAT D’OBUS

À mesure que son regard découvrait un peu plus de l’espace lumineux, il se sentait envahi d’une conviction plus profonde. Comme dans la chambre du portrait, le passé reprenait en lui et devant lui la figure même de la réalité !

C’était la même clairière, entourée d’un cercle d’arbres qui offraient le même tableau, et recouverte d’un tapis d’herbes et de mousse que les mêmes sentiers divisaient en secteurs analogues. C’était une même portion du ciel que découpait la masse capricieuse des frondaisons. Et c’était là, sur sa gauche, veillée par deux ifs que Paul reconnut, c’était la chapelle.

La chapelle ! La petite, et vieille, et massive chapelle dont les lignes avaient creusé comme des sillons dans le cerveau du jeune homme ! Des arbres grandissent, s’élargissent et changent de forme. L’apparence d’une clairière se modifie. Les chemins s’y entrelacent de façon différente. On peut se tromper. Mais cela, un édifice de granit et de ciment, cela est immuable. Il faut des siècles pour lui donner telle couleur d’un gris verdâtre qui est la marque du temps sur la pierre, et cette patine qui ne s’altère plus jamais.

La chapelle qui se dressait là, avec son fronton creusé d’une rosace aux vitraux poussiéreux, était bien celle d’où l’empereur d’Allemagne avait surgi, suivi de la femme qui, dix minutes plus tard, assassinait…

Paul se dirigea vers la porte. Il voulait revoir l’endroit dans lequel, pour la dernière fois, son père lui avait adressé la parole. Quelle émotion ! Le même petit toit qui avait abrité leurs bicyclettes débordait par derrière, et c’était la même porte de bois à grosses ferrures rouillées.