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L’ÉCLAT D’OBUS
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l’espion dont il soupçonnait la présence dans le clocher de l’église, pénétrer ensuite au cœur même des troupes ennemies pour signaler leur position, c’était aller à une mort certaine. Il y alla bravement. Et, comme il avait une conscience très nette de sa mission, il la remplit avec autant de prudence que de bravoure. Mourir, soit, mais mourir après avoir réussi. Et il goûta, dans l’action comme dans le succès, une joie singulière à laquelle il ne s’attendait point.

La découverte du poignard employé par l’espion l’impressionna vivement. Quel rapport pouvait-il établir entre cet homme et celui qui avait tenté de le frapper ? Quel rapport entre ceux-là et la comtesse d’Andeville, morte seize années auparavant ? Et comment, par quels liens invisibles, se rattachaient-ils tous les trois à cette même œuvre de trahison et d’espionnage dont Paul avait surpris les différentes manifestations ?

Mais surtout la lettre d’Élisabeth lui porta un coup extrêmement brutal. Ainsi la jeune femme était là-bas, parmi les obus, les balles, les luttes sanglantes autour du château, le délire et la rage des vainqueurs, l’incendie, les fusillades, les tortures, les atrocités ! Elle était là, jeune et belle, presque seule, sans défense ! Et elle y était parce que lui, Paul, n’avait pas eu l’énergie de la revoir et de l’entraîner avec lui !

Ces pensées provoquaient en Paul des crises d’abattement, d’où il sortait tout à coup pour se jeter au-devant de quelque péril, poursuivant ses folles entreprises jusqu’au bout, quoi qu’il advînt, avec un courage tranquille et une obstination farouche qui inspiraient à ses camarades autant de surprise que d’admiration. Et