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L’ÉCLAT D’OBUS
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— Alors, fais-moi l’honneur de ne rien regretter.

Toujours debout, penché au-dessus du sergent, l’Alsacien indiqua :

— La pointe de clocher en face de nous, derrière le rideau d’arbres, c’est Corvigny. J’estime qu’en obliquant sur les hauteurs de gauche nous pourrions voir ce qui se passe dans la ville.

— Nous le verrons bien mieux en y entrant, remarqua Paul. Seulement, nous risquons gros… Toi surtout, l’Alsacien. Prisonnier, on te fusille. Dois-je te descendre avant Corvigny ?

— Vous ne m’avez pas regardé, sergent.

La route rejoignait la ligne du chemin de fer. Puis apparurent les premières maisons des faubourgs. Quelques soldats se montraient.

— Pas un mot à ceux-là, ordonna Paul, il ne faut pas les effaroucher… sans quoi ils nous prendraient de dos au moment décisif.

Il reconnut la gare et constata qu’elle était fortement occupée. Le long de l’avenue qui montait à la ville, des casques à pointe allaient et venaient.

— En avant ! s’écria Paul. S’il y a des rassemblements de troupes, ce ne peut être que sur la place. Les mitrailleuses sont prêtes ? Et les fusils ? Prépare le mien, Bernard. Et, au premier signal, feu à volonté !

L’auto déboucha violemment, en pleine place. Ainsi qu’il l’avait prévu, une centaine d’hommes s’y trouvaient, tous massés devant le porche de l’église, auprès des faisceaux de baïonnettes. L’église n’était plus qu’un monceau de décombres, et presque toutes les maisons de la place avaient été anéanties par le bombardement.