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Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1923.djvu/75

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Ses agresseurs avaient dû jeter son cadavre dans quelque coin des carrières, puis s’étaient enfuis. Deux d’entre eux avaient réussi à s’échapper. On tenait le troisième. Et, pas une seconde, on n’eut l’idée d’une entreprise dont l’audace, justement, dépassait l’imagination.

En tout cas, il ne pouvait plus être question de fusiller Paul sans une enquête préalable, et sans que les résultats de cette enquête fussent communiqués en haut lieu.

On le conduisit à la villa, où, après l’avoir débarrassé de sa capote allemande et fouillé minutieusement, on l’enferma dans une chambre sous la protection de quatre gaillards solides.

Il y demeura plusieurs heures à somnoler, ravi de ce repos dont il avait grandement besoin, et fort tranquille du reste, puisque Karl étant mort, la comtesse Hermine absente, Elisabeth à l’abri, il n’y avait qu’à s’abandonner au cours normal des événements.

Vers dix heures, il reçut la visite d’un général qui tenta de l’interroger, et qui, ne recevant aucune réponse satisfaisante, se mit en colère, mais avec une certaine réserve où Paul démêla cette sorte de considération que l’on éprouve pour les criminels de marque.

« Tout va bien, se dit-il. Cette visite n’est qu’une étape et m’annonce la venue d’un ambassadeur plus sérieux, quelque chose comme un plénipotentiaire. »

D’après les paroles du général, il comprit que l’on continuait à chercher le corps du prince. On le cherchait d’ailleurs aussi en dehors de l’enceinte, car un nouveau fait, la découverte et les révélations du chauffeur emprisonné dans la remise par Paul et par Bernard, de même que le départ et le retour de l’automobile, signalés par les postes, étendaient singulièrement le champ des investigations.

À midi, on servit à Paul un repas substantiel. Les égards augmentaient. Il y eut de la bière et du café.

« Je serai peut-être fusillé, pensait-il, mais dans les règles, et pas avant que l’on sache exactement quel est le mystérieux personnage que l’on a l’honneur de fusiller, les raisons de son entreprise, et les résultats obtenus. Or, moi seul peux donner les renseignements. Donc… »

Il sentait si nettement la force de sa position et la nécessité où l’adversaire se trouvait de contribuer au succès de son plan qu’il ne s’étonna point d’être conduit, une heure plus tard, dans un petit salon de la villa, en présence de deux personnages chamarrés qui le firent fouiller une fois encore, puis attacher avec un luxe de précautions insolite.

« C’est au moins, se dit-il, le chancelier de l’empire qui se dérange en ma faveur… à moins que… »

Au fond de lui, étant donné les circonstances, il ne pouvait s’empêcher de prévoir une intervention plus puissante même que