Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/121

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times, mortes de mort violente, et que, parmi les trente victimes, il y aurait quatre femmes qui mouraient en croix. C’est une tradition établie, indiscutable, qu’on se passe de père en fils, et qui n’a pas d’incrédules. Elle trouve sa forme dans ce vers et dans cet hémistiche de l’inscription du Dolmen-aux-Fées :

« Pour les trente cercueils, trente victimes… »

et,

« Quatre femmes en croix… »

— Soit, mais on a vécu tout de même, et de façon normale, paisible. Pourquoi l’explosion de la peur a-t-elle eu lieu cette année subitement ?

— Cela provient beaucoup de Maguennoc. Maguennoc était un être bizarre, assez mystérieux, à la fois sorcier et rebouteux, guérisseur et charlatan, connaissant le cours des astres, les vertus des plantes, et que l’on consultait volontiers sur les choses du passé les plus lointaines, comme sur celles de l’avenir. Or, Maguennoc annonçait depuis peu que l’année 1917 serait l’année fatidique.

— Pourquoi ?

— Intuition, peut-être, pressentiment, divination, subconscience, choisissez l’explication à votre guise. Pour Maguennoc, qui ne dédaignait pas les pratiques de la magie la plus archaïque, il vous répondait vol d’oiseau ou entrailles de poule. Cependant, sa prophétie s’appuyait sur quelque chose de plus sérieux. Il prétendait, et cela suivant des témoignages recueillis dans son enfance auprès des vieilles gens de Sarek, que, au début du siècle dernier, la dernière ligne de l’inscription sur le Dolmen-aux-Fées n’était pas encore effacée et que l’on pouvait lire ce vers qui rimait avec les « femmes en croix » :

« Dans l’île Sark, en l’an quatorze et trois… »

L’an quatorze et trois, c’est l’an dix-sept, et l’affirmation devint, ces derniers temps, d’autant plus impressionnante pour Maguennoc et pour ses amis que le nombre total se divisait en deux nombres, et que précisément en 1914 éclata la guerre. De ce jour, Maguennoc