Le hasard nous avait révélé l’existence des grottes creusées sous les landes, et l’une des entrées de ces grottes. C’était dans cette retraite sûre qu’après ma dernière évasion je vins me réfugier, et c’est là que je fus mis au courant, par quelques lettres interceptées, des recherches de votre père sur le secret de Sarek et des découvertes qu’il avait faites. Vous comprenez si ma surveillance redoubla. D’autant plus que je trouvais dans toute cette histoire, à mesure qu’elle apparaissait plus nettement, les plus étranges coïncidences et une corrélation manifeste avec certains détails de ma vie. Bientôt le doute ne fut plus possible. Le destin m’avait envoyé là pour accomplir une œuvre dont moi seul pouvais venir à bout… bien plus, une œuvre à laquelle moi seul avais le droit de collaborer. Comprenez-vous cela ? Depuis des siècles, Vorski était désigné. Vorski était l’élu du destin. Vorski était inscrit sur le livre du temps. Vorski avait les qualités nécessaires, les moyens indispensables, les titres requis. J’étais prêt. Je me mis à l’action sans tarder, me conformant implacablement aux ordres du destin. Pas d’hésitation sur la route à suivre : à l’extrémité le phare était allumé. Je suivis donc la route tracée d’avance. Aujourd’hui Vorski n’a plus qu’à recueillir le prix de ses efforts. Vorski n’a plus qu’à tendre la main. À portée de cette main, c’est la fortune, la gloire, la puissance illimitée. Dans quelques heures, Vorski, fils de roi, sera roi du monde. C’est cette royauté qu’il vous offre. »
De plus en plus, il déclamait, comédien emphatique et pompeux.
Il se pencha vers Véronique :
« Voulez-vous être reine, impératrice, et vous élever au-dessus des autres femmes autant que Vorski dominera les autres hommes ? Reine par l’or et par la puissance, comme vous l’êtes par la beauté, le voulez-vous ? Esclave de Vorski, mais maîtresse de tous ceux à qui Vorski commandera, le voulez-vous ? Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas pour vous d’une décision unique à prendre, mais de deux décisions entre lesquelles il faut choisir. Il y a, comprenez-le, la contre-paie de votre refus. Ou bien la royauté que je vous offre, ou bien… »