« Vous êtes donc toujours résolu ? » demanda Otto, d’une voix où il y avait quelque hostilité.
— Plus que jamais. Pourquoi cette question ?
— Pour rien… Mais tout de même…
— Tout de même ?
— Eh bien, autant le dire, c’est une besogne qui ne nous plaît qu’à moitié.
— Pas possible ! Et tu t’en aperçois maintenant, mon bonhomme, après avoir suspendu en rigolant les sœurs Archignat !
— J’étais ivre ce jour-là. Vous nous aviez fait boire.
— Eh bien, saoule-toi, mon vieux. Tiens, voilà le flacon de cognac. Remplis ta gourde, et fiche-moi la paix… Conrad, tu prépares le brancard ?… »
Il se retourna vers sa victime.
« Une attention pour toi, ma chérie… deux vieilles échasses de ton gosse, que l’on a réunies par des sangles… Pratique et confortable… »
Vers huit heures et demie, le cortège sinistre se mettait en marche. Vorski prenait la tête, une lanterne à la main. Les complices portaient la civière.
Les nuages, qui menaçaient dans l’après-midi, s’étaient accumulés et roulaient au-dessus de l’île, lourds et noirs. Rapidement les ténèbres descendaient. Il soufflait un vent d’orage qui faisait danser la bougie de la lanterne.
« Brrrr, murmura Vorski, c’est lugubre… Une vraie soirée de Golgotha. » Il fit un écart et grogna en apercevant une petite masse noire qui débordait à ses côtés.
« Qu’est-que c’est que ça ? Regarde donc… On dirait un chien…
— C’est le cabot de l’enfant, déclara Otto.
— Ah ! oui, le fameux Tout-Va-Bien ?… Il tombe à pic, l’animal. Tout va rudement bien, en effet !… Attends un peu, sale bête. »
Il lui lança un coup de pied. Tout-Va-Bien l’esquiva, et, hors de portée, continua à accompagner le cortège en jetant à plusieurs reprises des aboiements sourds.
La montée était rude et, à tout moment, l’un des trois hommes, quittant l’allée invisible qui contournait la