Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/228

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faut voir les choses telles qu’elles sont. C’est un homme qui a des secrets lui… et il dispose de moyens… de moyens… »

Conrad haussa les épaules.

« Vorski, cette affaire vous a démoli… Vous touchiez au but, et vous lâchez tout au premier obstacle. Vous n’êtes plus qu’une loque. Eh bien, moi, je ne baisse pas la tête comme vous. Fichus ? et pourquoi ? S’il nous poursuit, nous sommes trois.

— Il ne viendra pas. Il nous laissera ici, et il nous enfermera comme dans un terrier sans issue.

— Alors, s’il ne vient pas, je retourne là-bas, moi ! J’ai mon couteau, ça suffit.

— Tu as tort, Conrad.

— En quoi ai-je tort ? Je vaux un autre homme, surtout ce vieux-là, et il n’a pour l’aider qu’une femme endormie.

— Conrad, ce n’est pas un homme, et, elle, ce n’est pas une femme. Méfie-toi.

— Je me méfie, mais je marche.

— Tu marches… tu marches… mais quel est ton plan ?

— Je n’ai pas de plan. Ou plutôt, je n’en ai qu’un, qui est de supprimer ce bonhomme-là.

— Tout de même, fais attention… Ne l’attaque pas de front, mais tâche de le surprendre…

— Parbleu ! dit Conrad, en s’en allant, je ne suis pas assez bête pour m’offrir à ses coups. Soyez tranquille, je le tiens, le bougre ! »

L’audace de Conrad réconforta Vorski.

« Après tout, dit-il quand son complice fut parti, il a raison. Si ce vieux Druide ne nous a pas poursuivis, c’est qu’il a d’autres idées en tête. Il ne s’attend sûrement pas à un retour offensif, et Conrad peut fort bien le surprendre. Qu’en dis-tu, Otto ? »

Otto partageait cet avis.

« Il n’y a qu’à patienter, » répondit-il.

Un quart d’heure s’écoula. Vorski reprenait de plus en plus son aplomb. Il avait fléchi par réaction, après des espoirs trop grands suivis d’une déception trop