Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/285

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Vorski sur son arbre. Et, de la sorte, le châtiment est complet. Êtes-vous satisfaits, maintenant, mes amis, et votre besoin de justice est-il assouvi ? »

Patrice et Stéphane se turent, impressionnés par la vision terrible que don Luis évoquait à leurs yeux.

« Allons, dit-il en riant, j’ai eu raison de ne pas vous obliger à prononcer la sentence là-bas, quand nous étions au pied du chêne, et en face d’un homme vivant ! Je vois que mes deux juges auraient quelque peu flanché à cette minute-là.

« Et mon troisième juge aussi, n’est-ce pas, Tout-Va-Bien, toi qui es un sensible et un larmoyant ? Et je suis comme vous, mes amis. Nous ne sommes pas de ceux qui condamnent et qui frappent. Mais tout de même, réfléchissez à ce qu’était Vorski, à ses trente crimes et à ses raffinements de cruauté, et félicitez-moi d’avoir choisi comme juge, en dernier ressort, l’aveugle destin, et, comme bourreau responsable, l’exécrable Otto. Que la volonté des dieux soit faite !… »

Les côtes de Sarek s’amincissaient à l’horizon. Elles disparurent dans la brume où se fondaient la mer et le ciel.

Les trois hommes gardaient le silence. Tous trois, ils pensaient à l’île morte, dévastée par la folie d’un homme, à l’île morte où bientôt quelque visiteur trouverait les traces inexplicables du drame, les issues des souterrains, les cellules avec leurs « chambres de mort », la salle de la Pierre-Dieu, les cryptes funéraires, le cadavre de Conrad, le cadavre d’Elfride, les squelettes des sœurs Archignat, et, tout au bout, près du Dolmen-aux-Fées où s’inscrivait la prophétie des trente cercueils et des quatre croix dressées, le grand corps de Vorski, solitaire, lamentable, déchiqueté par les corbeaux et par les oiseaux de nuit…



Une villa près d’Arcachon, au joli village des Moulleaux, dont les pins descendent jusqu’à la berge du golfe.