étouffées que poussait son père. Véronique monta. Tout au plus put-elle saisir le barreau inférieur du balcon. Mais une étroite corniche lui permit de se hisser sur un genou, de passer la tête et de voir le drame qui se déroulait dans la pièce.
À ce moment, M. d’Hergemont avait de nouveau reculé jusqu’à la fenêtre ; un peu en arrière, même, de sorte qu’elle le voyait presque de face. Il ne bougeait pas, les yeux hagards, les bras tendus en un geste indécis, comme dans l’attente d’une chose effrayante qui allait se produire.
Il bégaya :
« Assassin… assassin… Est-ce bien toi ? Ah ! sois maudit ! François ! François ! »
Sans doute appelait-il son petit-fils à son secours, et sans doute François était-il en butte, lui aussi, à quelque attaque, peut-être blessé, peut-être mort !
Véronique retrouva un surcroît de force et réussit à mettre le pied sur la corniche.
« Me voilà !… me voilà !… » voulait-elle crier.
Mais sa voix expira dans sa gorge. Elle avait vu !… elle voyait !… En face de son père, à cinq pas de lui, contre le mur opposé de la pièce, il y avait un être qui braquait un revolver sur M. d’Hergemont et le visait lentement. Et cet être… Oh ! l’horreur !… Véronique reconnaissait le béret rouge dont Honorine avait parlé, la chemise de flanelle à boutons d’or… Et surtout elle retrouvait, dans ce jeune visage convulsé par des sentiments atroces, l’expression même de Vorski aux heures où le soulevaient ses instincts de haine et de férocité.
L’enfant ne la vit point. Ses yeux ne se détachaient pas du but qu’il voulait atteindre, et il semblait éprouver comme une joie sauvage à différer ainsi le geste fatal.
Véronique se taisait aussi. Les mots, les cris ne servaient à rien pour conjurer le péril. Ce qu’il lui fallait faire, c’était se jeter entre son père et son fils. Elle grimpa, s’accrocha, escalada la fenêtre.
Trop tard. Le coup partit. M. d’Hergemont tomba avec un gémissement de douleur.