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Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/88

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Mais, soudain, une idée redoutable l’assaillit : n’avait-elle pas oublié sa boîte d’allumettes sur le pont ? Elle fouilla dans ses poches et ne la trouva point. Toutes les recherches furent inutiles.

De cela non plus elle ne fut pas très vivement troublée. Pour l’instant, l’impression qu’elle avait échappé aux attaques de l’ennemi la comblait d’une telle joie qu’il lui semblait que toutes les difficultés s’aplaniraient d’elles-mêmes.

Ainsi passèrent les heures, heures infiniment longues, que la brume pénétrante et que le froid rendaient plus pénibles à l’approche du matin.

Puis une vague lueur se répandit dans le ciel. Les choses sortirent de l’ombre et prirent leurs formes réelles. Véronique vit alors que, sur toute sa longueur, le pont s’était effondré. Un intervalle de cinquante mètres séparait les deux îles que reliait seulement en dessous la crête aiguë, coupante, et inabordable, de la falaise.

Elle était sauvée.

Mais, ayant levé les yeux sur la colline opposée, elle aperçut, tout en haut de la pente, un spectacle qui lui fit pousser un cri d’horreur. Trois des arbres les plus avancés de ceux qui couronnaient la colline, et qui appartenaient au bois du Grand-Chêne, avaient été dépouillés de leurs branches inférieures. Et, sur les trois troncs dénudés, leurs bras écartelés et ramenés en arrière, leurs jambes ficelées sous les haillons de leurs jupes, des cordes passées sous leurs têtes livides que cachaient à moitié les ailes noires de leurs coiffes, se dressaient les trois sœurs Archignat.

Elles étaient crucifiées.