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Page:Leblanc - L’Aiguille creuse, 1912.djvu/357

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L’AIGUILLE CREUSE
343

Beautrelet accourut. Mais Lupin déjà avait lâché prise, et, près de son ennemi étendu à terre, il sanglotait.

Spectacle pitoyable ! Beautrelet ne devait jamais en oublier l’horreur tragique, lui qui savait tout l’amour de Lupin pour Raymonde, et tout ce que le grand aventurier avait immolé de lui-même pour animer d’un sourire le visage de sa bien-aimée.

La nuit commençait à recouvrir d’un linceul d’ombre le champ de bataille. Les trois Anglais ficelés et bâillonnés gisaient dans l’herbe haute. Des chansons bercèrent le vaste silence de la plaine. C’était les gens de la Neuvillette qui revenaient du travail.

Lupin se dressa. Il écouta les voix monotones. Puis il considéra la ferme heureuse où il avait espéré vivre paisiblement auprès de Raymonde. Puis il la regarda, elle, la pauvre amoureuse, que l’amour avait tuée, et qui dormait, toute blanche, de l’éternel sommeil.

Les paysans approchaient cependant.

Alors Lupin se pencha, saisit la morte dans ses bras puissants, la souleva d’un coup, et, ployé en deux, l’étendit sur son dos.

— Allons-nous-en, Victoire.