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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/109

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XVI

Jean de Milly.

En une heure, la vie de Stéphane fut complètement transformée. Sa nature subit une crise qui bouleversa toutes ses façons de penser et de sentir. Il ne se reconnut plus. Lui qui se laissait aller au balancement agréable d’une existence que les plaisirs les plus vifs et les tourments les plus aigus ne faisaient guère osciller, il se trouva soudain précipité dans le tumulte de la douleur et obsédé par le désir impossible de félicités qu’il n’avait jamais conçues jusque-là.

Il s’en rendit compte l’après-midi, lorsque Flavie le rejoignit sous les arbres. Il l’exécrait ! Subitement, elle était devenue ennemie irréductible, adversaire farouche, avec laquelle s’engageait une lutte implacable d’où il ne pouvait résulter que blessure, destruction et mort. Ses sentiments s’exprimèrent avec tant de force sur son visage, que Flavie lui dit, toute surprise :

— Qu’avez-vous donc, Stéphane ?

— Moi ? rien.

— Si. Vous n’êtes plus le même. Qu’y a-t-il ?

— On m’a parlé…

— On vous a parlé ?…

Il aurait voulu se contraindre. Il ne le put pas, et il lança, comme la plus terrible accusation :

— On m’a parlé de Jean de Milly.

Elle se dressa, dans un élan de révolte.

— Qui vous a raconté ?… Qui ? Je veux savoir…

Et tout de suite, se ravisant :

— Après tout, non… Pas un mot là-dessus… Mon passé ne regarde que moi… Mais qui vous a donné le droit d’interroger ?… et le droit de m’accuser ?… À quel titre ? Quelle est la signification de vos paroles ?

Il eut la certitude affreuse que, s’il ne reculait pas, elle ne le reverrait jamais. Il fallait mentir, et sans une seconde d’hésitation.

Il réussit à rire et dit :

— Vous avez tout à fait raison. Je n’ai pas interrogé, mais j’ai entendu des paroles malveillantes qui m’ont exaspéré.

— Vous n’avez pas à me défendre…