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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/121

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l’image de la femme nue

Il scanda, méchamment :

— Un cauchemar heureux… pour toi… pour lui…

— Non, non, dit-elle vivement, à genoux sur le lit, et lui serrant la tête de ses deux mains… Non, je te le jure… J’étais à bout de forces, et il n’a senti que mon dégoût et ma fureur… Je me suis enfuie… je ne l’ai plus revu que l’autre jour, quand il est venu m’annoncer la mort de sa sœur… Mais, moi, je savais…

— Tu savais quoi, Flavie ?

— Ma faiblesse, dit-elle à voix basse et plus près encore de lui… Et, depuis, vois-tu, j’ai peur… Quand les hommes m’approchent et que je devine leur regard qui m’épie et qui me cherche, j’ai peur de moi et du vertige qui m’envahit. Je suis vraiment l’Impudique. Tout est impudeur et luxure en moi… Ma bouche, ma poitrine… Tout se livre et s’offre… Il me semble que je vais m’évanouir… J’ai peur…

— Peur de toi, Flavie ? pour une seule défaillance ? Avoue qu’il y a d’autres raisons.

— Il y en a d’autres, dit-elle sourdement. Il y en a une autre, qui est en dehors de moi, et que je connais par Zoris. Un jour, en revenant de ce voyage affreux, j’ai dû repousser son amour, et, par vengeance, il m’a raconté… Ah ! ne m’interroge pas, Stéphane… Toute cette souffrance de vivre, toute mon angoisse, c’est cela, c’est à cause de cela surtout que j’ai perdu confiance en moi, que j’ai fui les hommes, que je me suis réfugiée en Dieu. Lui seul pouvait me protéger…

Il l’entoura de ses bras et murmura :

— Cependant… moi… Flavie, tu ne m’as pas fui ?…

— Oh ! toi ! dit-elle… cela n’a pas été pareil. Tu étais à mes yeux le fiancé de Véronique… Comment me serais-je défiée ?

— Véronique en aime un autre, Flavie.

— Non, non, je suis sûre que non. Par lâcheté, à mon insu, j’ai voulu le croire également. Mais ce n’est pas vrai. Elle s’éloigne par jalousie et par souffrance, et le drame qui se passe en elle, nous avons préféré ne pas le voir, pendant que je te retrouvais chaque jour avec tant de plaisir ! Oh ! tant de plaisir ! Tout de suite, j’ai eu pour toi, comme c’est étrange ! une amitié profonde, de l’affection. Je ne me suis doutée de rien, ni de tes sentiments, ni de ceux qui s’insinuaient en moi, peu à peu. C’est seulement le jour où tu m’as pris la bouche que tout s’est éclairé… Ah ! Stéphane, pourquoi n’as-tu pas attendu ?… Je redevenais confiante, normale, heureuse, tranquille… Et puis, ton désir m’a bouleversé… J’ai voulu partir… Il était trop tard… Je ne pouvais plus… J’avais peur de te revoir… et cependant je souhaitais ta venue, de tout mon instinct, de tout mon désir contenu… Dès le moment où je t’ai aperçu, tout