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l’image de la femme nue

s’efforce de donner une indication utile et qu’elle est navrée de n’y point parvenir.

— C’est désolant, dit-elle. Si nous n’avons rien à nous raconter sur le sujet qui nous réunit, nous n’avons plus qu’à nous séparer.

Est-elle sincère ? Stéphane ne veut pas en douter, mais tant de choses lui prouvent le contraire !

— Je refuse de vous quitter, déclare-t-il.

— Alors que voulez-vous ?

— Vous suivre… Vous suivre n’importe où… Au bout du monde… Quel est votre nom ? Est-ce vous la Dame de la Camargue ?

— Ah ! on vous a parlé d’elle ?… pour vous en dire du mal, n’est-ce pas ? Bah ! c’est naturel. Une femme seule, qui vit à sa guise… Oui, je suis celle qu’on appelle la Dame de la Camargue.

— Mais quel est votre nom ?

Elle garde un long silence, et répond :

— Vous aviez raison, tout à l’heure. Notre rencontre est tellement inexplicable qu’il serait dommage de nous séparer avant de savoir. Mais ne lui enlevons pas trop vite son mystère. Que vous importe qui je suis et d’où je viens ? Nous sommes des étrangers l’un pour l’autre, et nous sommes, tout de même, des amis, puisque nous avons été l’un vers l’autre sans nous connaître.

— Cependant, comment puis-je vous appeler ?

— Du nom qu’il vous plaira.

— Je vous appellerai donc Nausicaa, dit-il gaiement. Après son naufrage, le divin Ulysse — c’est moi, si vous voulez bien, quoique je joue plutôt le rôle d’un barbare du Nord — le divin Ulysse aperçut à l’embouchure du fleuve la blanche Nausicaa…

La jeune femme continue, toute rieuse aussi :

— Et lui tient ce langage : « Déesse ou mortelle, je m’agenouille devant toi. Si tu es l’une des divinités qui habitent le vaste ciel, à ta beauté, à ta grâce, je reconnais Diane. » Mais je vous en prie, cher monsieur, ajoute-t-elle en riant de plus belle, ne prenez pas cet air ébahi. Si la Dame de la Camargue, toute sauvage qu’elle soit, cite quelques vers du vieil Homère et pourrait même les citer dans la langue d’autrefois, c’est que cette Dame est d’origine grecque… Mon Dieu, oui, Grecque d’Athènes, née au pied de l’Acropole.

Il la regarde. Elle a bien le visage des statues antiques, avec la ligne presque droite du front et du nez. Et il s’émeut en remarquant que ses cheveux blonds sont divisés en deux bandeaux à ondulations courtes comme de petites vagues, et noués en torsades sur le cou.

À ce moment, elle se lève et va reprendre son cheval, dont la bride