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XI

Sainte Flavie.

7 juillet.


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… Tel est, mon cher docteur, le résumé des incidents qui se sont produits, voilà trois semaines. Depuis, il semble qu’un répit nous soit accordé. Le beau temps se maintient, avec de légers coups de mistral. De la brise, du soleil, du bleu partout, et une mer attirante comme si toutes les sirènes des légendes évoluaient et chantaient pour me séduire.

Mais ne sont-elles pas là, les sirènes ? Du matin jusqu’au soir nous vivons sur le sable ou dans l’eau. Moi, le plus souvent sur le sable, pour ne pas perdre de vue les trois sœurs divines qui nagent, flottent et jouent devant mes yeux. Dévêtues sur terre, songez à quoi elles ont pu réduire leurs voiles de sirènes ! Je les regarde toutes les trois, et je n’en vois qu’une, Vénus Astarté, « fille de l’onde amère », qui m’apparaît en trois visions analogues et différentes.

Comment n’imaginerais-je pas que je n’ai pas quitté ce monde imaginaire où je fus admis par je ne sais quel prodige, et où elles me retiennent toutes trois par le sortilège de leur beauté ? Si mystérieuses et si lointaines qu’elles me paraissent encore, Véronique avec ses vagabondages, Lœtitia avec ses rendez-vous, Élianthe avec sa liaison, ce sont, je le sais maintenant, les créatures les plus simples, à qui le destin permet de se conduire à leur gré, en dehors des règles qu’on ne leur a pas apprises. Leur conception de la vie n’est pas même païenne, elle est… comment dirais-je ? mythologique. Sans qu’elles y réfléchissent, et par la grâce de leurs seules lectures, elles ont fait descendre sur la terre les dieux et les déesses de l’Olympe, personnages tout proches de la nature, et dont les libres mœurs ne les offusquent point. Je suis persuadé qu’elles croient vaguement aux nymphes et aux dryades, et qu’elles évoquent sans trop d’effroi les faunes aux pieds fourchus.

Le don de leur corps ne leur semble pas extraordinaire. Elles s’abandonnent ingénument. Aucun vice dans l’emportement de leurs sens. Leurs voluptés sont saines, joyeuses, étonnées, sans subtilité ni perversité.