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Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/127

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une garantie… Je veux être sûre que tu ne reviendras pas… que tout est bien fini… Donc la lettre sera remise à la justice.

Elle hésita, et reprit :

— La lettre sera remise… à moins que…

— À moins que ?… dit Jérôme.

— Il y a de quoi écrire sur cette table prononça Rolande. Assieds-toi, écris que tu es le seul coupable, coupable contre Élisabeth, coupable contre Simon Lorient, coupable contre Félicien Charles que tu as accusé faussement… et signe.

Il réfléchit longtemps. Sa figure n’exprimait plus que la douleur et un accablement infini, Il chuchota :

— À quoi bon lutter ? Je suis si las ! Tu as raison, Rolande. Comment ai-je pu jouer une pareille comédie ? J’avais presque réussi à me persuader qu’après tout, Élisabeth n’était pas morte par ma faute, et que j’avais frappé Simon Lorient pour me défendre. Comme on est lâche ! Mais, vois-tu, plus je t’aimais, et plus j’étais effrayé de ce que j’avais fait… Tu ne pouvais pas te rendre compte. Mais je me transformais peu à peu… et tu m’aurais sauvé de moi… N’en parlons plus… Tout cela, c’est le passé…

Il s’assit à la table, prit la plume, puis écrivit.

Rolande lisait par-dessus sa tête.

Il signa :

— C’est bien ce que tu voulais ?

— Oui.

Il se leva. Tout était fini, comme le voulait Rolande.

Il les regarda, l’un après l’autre. Qu’attendait-il ? Un adieu ? Un mot de pardon ?

Rolande et Félicien ne bougèrent pas et gardèrent le silence.

Alors, au dernier moment, il eut un sursaut de colère et un geste d’exécration. Mais il se contint et sortit.

Ils l’entendirent qui allait dans sa chambre — dans la chambre nuptiale. Sans doute pour y prendre quelques affaires. Quelques minutes plus tard, il descendait l’escalier. La porte du vestibule fut ouverte, sans bruit, et refermée. Il s’éloignait…

Lorsque les deux jeunes gens furent seuls, leurs mains s’unirent, et leurs yeux se mouillèrent.

Félicien embrassa Rolande au front, comme on embrasse la fiancée la plus respectée.

Elle dit en souriant :

— Notre nuit de noces ; n’est-ce pas, Félicien ? Nous la passerons en fiancés, vous chez vous, moi dans cette maison.

— À deux conditions, Rolande. D’abord, c’est que je resterai près de vous au moins une heure ou deux, pour être bien sûr qu’il ne reviendra pas ?

— L’autre condition ?

— Deux fiancés ont le droit de s’embrasser, au moins une fois, ailleurs que sur le front…

Elle rougit, regarda du côté de sa chambre, puis, toute confuse, prononça :

— Soit, mais pas ici… en bas, dit-elle gaîment, dans ce studio où je vous ai fait mon premier aveu en musique.

Elle mit dans l’écrin aux bijoux le papier signé par Jérôme, et ils descendirent.

Presque aussitôt, Raoul d’Averny pénétra dans la pièce, et retira de l’écrin le papier, qu’il empocha.

Puis il retourna sur le balcon, atteignit la corniche de la façade latérale et gagna l’issue du potager.


À trois heures du matin, Félicien rentra dans le pavillon. Raoul, qui