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Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/41

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VII

Le Zanzi-Bar


L’enseigne portait, il y a quelques années, ces deux mots : « Au Vieux Mastroquet », que l’on devine encore, par endroits, sous la couche de peinture où s’étale aujourd’hui la formule plus moderne : « Le Zanzi-Bar ». Mais c’est toujours la même impasse désolée du Grenelle populaire, en plein centre d’usines, et tout près de cette noble Seine qui vient de traverser un des plus majestueux paysages parisiens, de Notre-Dame au Champ-de-Mars.

Le Zanzi-Bar est fréquenté par tous ceux qui, dans le quartier, vivent des courses ou s’y endettent, parieurs habitués des pelouses, bookmakers inavoués, marchands de pronostics.

À midi, heure de sortie des usines, cela bat son plein, de même qu’à cinq heures, pour le règlement des comptes.

Le soir, c’est un tripot clandestin. On s’y bat quelquefois. On s’y enivre souvent. Et c’est alors, à ce moment, que Thomas Le Bouc — abréviation française de « Le Bookmaker » — prenait toute son importance. Thomas Le Bouc jouait sec et gagnait toujours. Il buvait sec aussi, mais s’enivrait difficilement. Figure bonasse à expression cruelle, tête froide, l’aspect puissant, le gousset bien garni, vêtu en monsieur, coiffé d’un chapeau melon qu’il ne quittait jamais, il passait pour un homme « qui connaissait son affaire ». Quelle affaire ? On ne précisait pas. Mais ce soir-là, on le vit à l’œuvre et la considération qu’il inspirait en fut grandement accrue.