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Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/56

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ses griffes. Ce que je viens faire aujourd’hui pour mon compte, avec quelle âpre joie il se proposait de le faire lui-même et de venir te jeter à la face : « — Sauve-moi de la misère, ou je vous livre à la justice, toi et ton fils… toi et ton fils ! »

— Tu as des preuves ? redit Raoul pour la troisième fois.

— Barthélemy m’a montré un jour la pochette où il les avait réunies, après l’enquête qu’il a poursuivie durant des années.

— Où est-elle, cette pochette ?

— Je suppose qu’il l’a remise à une maîtresse qu’avait Simon, une Corse, avec qui il s’entendait bien.

— On peut la voir, cette femme ?

— Difficilement. Je ne l’ai pas revue depuis sa mort, à lui. Et j’ai idée que la police la cherche.

Raoul se tut assez longtemps. Puis il sonna son domestique.

— Le déjeuner est prêt ?

— Oui, monsieur.

— Mettez un couvert de plus.

Il poussa Le Bouc devant lui, dans la salle à manger.

— Assieds-toi.

L’autre, décontenancé, se laissa faire. Il était persuadé que le marché était conclu, et il n’hésitait plus que sur le chiffre qu’il avait bien envie de fixer à quatre cent mille francs. Raoul d’Averny, effondré sous l’attaque imprévue, ne lésinerait pas.

Raoul mangea peu. S’il n’était pas effondré, comme le supposait son adversaire, il était fort soucieux. Le problème lui paraissait affreusement complexe, et il le retournait en tous sens avant de s’arrêter à telle solution. Double problème, d’ailleurs, et par conséquent double solution. Il y avait une solution à trouver en ce qui concernait Félicien. Et une solution, plus proche, à trouver pour faire face à la très grave menace de Thomas Le Bouc.

Ils passèrent dans le bureau.

Une demi-heure, encore, de silence. Le Bouc, étendu sur un fauteuil, fumait voluptueusement un gros cigare qu’il avait choisi dans une boîte de havanes. Raoul allait et venait, les mains au dos, pensif.

À la fin, Le Bouc formula :

— Tout bien pesé, je ne céderai pas à moins de cinq cent mille francs. C’est le prix raisonnable. Remarque du reste que mes précautions sont prises. Au cas où tu me jouerais un mauvais tour, la lettre de dénonciation serait jetée à la poste par un copain. Donc, rien à faire. Tu es coincé dans l’engrenage. Ne marchande pas. Cinq cent mille. Pas un sou de moins.

Raoul ne répondit pas. Il semblait calme et beaucoup moins absorbé, comme un homme qui a pris sa décision et que rien n’en fera dévier.

Au bout de dix minutes, il consulta la pendulette de sa table. Puis il s’assit devant le téléphone, décrocha, et fit manœuvrer le disque d’appel. Quand il eut obtenu la communication, il interrogea :

— La Préfecture de police ? Veuillez me donner le cabinet de M. Rousselain.

Et, presque aussitôt :

— Ici, Raoul d’Averny. C’est vous, monsieur le juge d’instruction ? Très bien, je vous remercie… Oui, il y a du nouveau. J’ai chez moi, sous la main, un individu qui a participé, de façon active, aux drames du Vésinet… Non, il n’a pas encore fait d’aveux, mais sa situation est telle qu’il sera contraint d’en faire… Allô !… C’est cela même… le mieux est que vous l’envoyiez cueillir… Par l’inspecteur principal Goussot ? Très