Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Inconsciemment néanmoins, obéissant à sa nature, il inspectait la rue contiguë au jardin. Personne. Aucun agent. Il contourna l’hôtel. Rue d’Urfé, rien de suspect non plus. Et il pensa que Béchoux et Fagerault, ou bien ne l’avaient pas cru capable d’affronter le danger — et ce devait être le désir secret de Fagerault — ou bien avaient pris toutes leurs mesures à l’intérieur de l’hôtel.

Cette idée le cingla. Il ne voulait pas qu’on l’accusât de lâcheté. Il tâta ses poches, pour être bien sûr qu’il n’y avait pas laissé, par mégarde, un revolver ou un couteau, ustensiles qu’il qualifiait de néfastes. Puis il marcha vers la porte cochère.

Une hésitation suprême : cette façade des communs, morose et sombre, ressemblait à un mur de prison. Mais la vision souriante, un peu ingénue, un peu triste, d’Arlette lui traversa l’esprit. Allait-il livrer la jeune fille sans la défendre ?

Il plaisanta, en lui-même :

— Non, Lupin, n’essaie pas de te donner le change. Pour défendre Arlette, tu n’as pas besoin d’entrer dans la souricière et de risquer ta précieuse liberté. Non. Tu n’as qu’à faire tenir au comte une toute petite missive où tu lui révéleras le secret des Mélamare et le rôle qu’Antoine Fagerault joue là-dedans. Quatre lignes suffisent. Pas une de plus. Mais, en réalité, rien ne t’empêchera de sonner à cette porte, pour la raison bien simple que cela t’amuse. C’est le danger que tu aimes. C’est la lutte que tu cherches. C’est le corps à corps avec Fagerault que tu veux. Tu succomberas peut-être à la tâche — car ils sont prêts à te recevoir, les gredins ! — mais, avant tout, cela te passionne de tenter la belle aventure et d’affronter l’ennemi sur son terrain, sans armes, seul, et le sourire aux lèvres…

Il sonna.


X.

Le coup de poing

— Bonjour, François, dit-il, en pénétrant dans la cour d’un pas léger.

— Bonjour, monsieur, fit le vieux domestique. Monsieur nous a quittés, ces jours-ci…

— Mon Dieu, oui, dit Jean, qui plaisantait souvent avec François, et qui pensa que le bonhomme n’était pas encore prévenu contre lui. Mon Dieu, oui ! Affaires de famille… héritage d’un oncle de province… un bon petit million.