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Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/78

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— Tous mes compliments, monsieur.

— Bah ! je ne suis pas encore décidé à l’accepter.

— Est-ce possible, monsieur ?

— Mon Dieu, oui, c’est un million de dettes.

Jean fut content de cette innocente facétie qui lui prouvait son entière liberté d’esprit. Mais, à cet instant, il discerna un rideau de tulle qui se rabattit vivement à l’une des fenêtres de l’hôtel, pas assez vite cependant pour qu’il ne pût reconnaître la face du brigadier Béchoux, lequel veillait au rez-de-chaussée dans une pièce à usage de salle d’attente.

— Je vois, dit Jean, que le brigadier est à son poste. Toujours l’enquête sur les diamants ?

— Toujours, monsieur. Je me suis laissé dire qu’il y aurait du nouveau sous peu. Le brigadier a posté trois hommes.

Jean se réjouit. Trois gaillards choisis parmi les plus vigoureux… tout un corps de garde… quelle chance ! De telles précautions rendaient les siennes efficaces. Sans représentants de l’autorité, son plan s’écroulait.

Il monta les six marches du perron, puis l’escalier. Dans le salon se trouvaient réunis le comte et sa sœur, Arlette, Fagerault et Van Houben, venu, également pour dire adieu. L’atmosphère était paisible, et ils avaient tous l’air de si bien s’entendre que d’Enneris eut encore une légère hésitation en pensant que deux ou trois minutes allaient suffire pour jeter la perturbation au milieu de ce bon accord.

Gilberte de Mélamare l’accueillit avec affabilité. Le comte lui tendit gaiement la main. Arlette, qui causait à l’écart, vint vers lui, tout heureuse de le voir. Décidément aucune de ces trois personnes ne connaissait les nouvelles de la dernière heure, n’avait lu le journal du soir qu’il tenait en poche, et ne soupçonnait l’accusation lancée contre lui et le duel qui se préparait.

En revanche, la poignée de main de Van Houben fut glaciale. Évidemment, celui-là savait. Quant à Fagerault, il ne bougea pas, et, assis entre les deux fenêtres, continua de feuilleter un album. Il y avait là tant d’affectation et de défi que Jean d’Enneris brusqua les choses et qu’il s’écria :

— Le sieur Fagerault est absorbé par son bonheur et ne me voit même pas… ou ne veut pas me voir…

Le sieur Fagerault esquissa un geste vague, comme s’il eût accepté que le duel ne fût pas engagé sur-le-champ. Mais Jean ne l’entendait point ainsi, et rien ne pouvait faire qu’il ne prononçât pas les mots prémédités et n’accomplît pas les gestes voulus. Comme les grands capitaines, il estimait qu’il faut toujours prendre pour soi le bénéfice de la surprise et se jeter ainsi à travers les plans de l’adversaire. L’offensive, c’est la moitié de la victoire.

Dès qu’il eut donné des explications sur son absence et qu’il se fut renseigné sur le départ du comte et de sa sœur, il saisit les deux mains d’Arlette et lui dit :

— Et toi, ma petite Arlette, es-tu