Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/24

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Vous croyez bonnement qu’il travaille pour vous, monsieur Van Houben ? C’est pour lui qu’il travaille ! Jim Barnett ou d’Enneris, gentilhomme ou détective, navigateur ou bandit, il n’a pas d’autre guide que son intérêt. Si vous lui permettez de participer à l’enquête, vos diamants sont fichus, monsieur.

— Ah ça ! non, protesta Van Houben, indigné. Puisqu’il en est ainsi, restons-en là. Si je dois retrouver mes diamants pour qu’on me les reprenne, bonsoir ! Occupez-vous de vos affaires, d’Enneris. Je m’occuperai des miennes.

D’Enneris se mit à rire :

— C’est que les vôtres, pour l’instant, m’intéressent beaucoup plus que les miennes.

— Je vous défends…

— Vous me défendez quoi ? N’importe qui peut s’occuper des diamants. Ils sont perdus : j’ai le droit de les rechercher, tout comme un autre. Et puis, que voulez-vous ? Toute cette affaire me passionne. Les femmes qui s’y trouvent mêlées sont si jolies ! Régine, Arlette ! Délicieuses créatures… En vérité, cher ami, je ne lâcherai pas la partie avant d’avoir mis la main sur vos diamants !

— Et moi, grinça Béchoux, hors de lui, je ne lâcherai pas la partie avant de t’avoir fait coffrer, Jim Barnett.

— On va s’amuser alors. Adieu, camarades. Et bonne chance. Qui sait ! On se rencontrera peut-être un jour ou l’autre.

Et d’Enneris, la cigarette aux lèvres, s’en alla, d’un petit pas sautillant.

Arlette et Régine étaient pâles lorsqu’elles descendirent d’auto sur cette petite place tranquille du Palais-Bourbon où d’Enneris les attendait.

— Dites donc, d’Enneris, fit Régine, vous ne pensez vraiment pas que c’est l’homme qui nous a enlevées, ce comte de Mélamare ?

— Pourquoi cette idée, Régine ?

— Je ne sais pas… un pressentiment. J’ai un peu peur. Et Arlette est comme moi. N’est-ce pas, Arlette ?

— Oui, j’ai le cœur serré.

— Et après ? fit Jean. Quand ce serait votre homme à toutes deux, croyez-vous qu’il va vous manger ?

La vieille rue d’Urfé était proche, bordée de ces anciennes demeures du dix-huitième siècle, au fronton desquelles se lisaient des noms historiques : Hôtel de La Rocheferté… Hôtel d’Ourmes… toutes à peu près semblables, avec des façades tristes, un entresol très bas, une haute porte cochère, et le corps de logis principal au fond d’une cour mal pavée. L’hôtel de Mélamare ne différait pas des autres.

Au moment même où d’Enneris allait sonner, un taxi arriva d’où sautèrent, tour à tour, Van Houben et Béchoux, assez penauds l’un et l’autre, mais d’autant plus arrogants en apparence.

D’Enneris se croisa les bras avec indignation.

— Eh bien, vrai, ils en ont du toupet, ces deux cocos-là ! Il y a