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Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/45

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avait perdu son frère. Puis elle dit à son compagnon :

— Je vous remercie de votre dévouement, Antoine. Je l’accepte, en souvenir de notre ancienne amitié… mais sans espérer beaucoup.

— Ayez confiance, Gilberte, dit-il. Vous voyez bien que déjà j’ai su vous retrouver.

— Comment ?

— Par Mlle Mazolle, que j’ai été voir chez elle et que j’ai gagnée à votre cause. Sur mes instances, elle a interrogé Régine Aubry à qui Van Houben avait confié le lieu de votre retraite. C’est Arlette Mazolle qui, ce matin, vous a téléphoné de ma part, pour vous supplier.

Gilberte inclina la tête en signe de remerciement, et elle dit :

— Je suis venue furtivement, Antoine, et à l’insu de l’homme qui m’a protégée jusqu’ici et à qui j’avais promis de ne rien faire sans l’avertir. Vous le connaissez ?

— Jean d’Enneris ? Oui, par ce que m’en a dit Arlette Mazolle, qui elle aussi regrette d’agir en dehors de lui. Mais il le fallait. Je me méfie de tout le monde.

— Il ne faut pas se méfier de cet homme-là, Antoine.

— Plus que de tout autre. Je l’ai rencontré tantôt chez une revendeuse que je cherche depuis des semaines et qui a eu entre les mains les objets volés à votre frère. Il était là, lui aussi, avec Van Houben et le policier Béchoux, et j’ai senti peser sur moi son regard hostile et soupçonneux. Il a même voulu me suivre. Dans quelle intention ?

— Il pourrait vous aider…

— Jamais ! Collaborer avec cet aventurier qui sort on ne sait d’où… avec ce don Juan équivoque et cauteleux, qui vous tient toutes sous sa domination ? Non, non, non. D’ailleurs nous n’avons pas le même but. Mon but est d’établir la vérité, le sien de capter les diamants au passage.

— Qu’en savez-vous ?

— Je le devine. Son rôle m’apparaît nettement. En outre, d’après mes informations particulières, c’est l’opinion que se font de lui Béchoux et Van Houben.

— Opinion fausse, affirma Arlette.

— Peut-être, mais j’agis comme si elle était vraie.

D’Enneris écoutait passionnément. L’aversion que cet homme manifestait contre lui, il l’éprouvait de son côté, instinctive et violente. Il le détestait d’autant plus qu’il ne pouvait pas méconnaître la franchise de son visage et la sincérité de son dévouement. Qu’y avait-il entre Gilberte et lui, dans le passé ? L’avait-il aimée ? Et, dans le présent, par quels moyens avait-il pu gagner la sympathie et obtenir la soumission d’Arlette ?

La comtesse de Mélamare garda le silence assez longtemps. À la fin, elle murmura :

— Que dois-je faire ?

Il désigna Arlette et Régine.

— Les persuader toutes deux, elles qui vous ont accusée. J’ai réussi, par ma seule conviction, à éveiller leurs doutes et à préparer cette entrevue. Vous seule pouvez compléter mon œuvre.