D’Enneris ne discuta pas. Dès qu’ils furent sortis du jardin, il se débarrassa de ses deux acolytes et courut vers un taxi. Van Houben, persuadé qu’il emportait ses diamants, essaya de le retenir, mais reçut un coup droit qui régla le conflit. Dix minutes plus tard, Jean s’étendait sur son divan.
C’était sa tactique aux heures de fièvre où il ne se sentait plus maître de lui et craignait de commettre quelque bêtise. S’il se fût écouté, il eût pénétré furtivement chez Arlette Mazolle, et, après avoir exigé de la jeune fille une explication, l’eût prévenue contre Antoine Fagerault. Expédition inutile. L’essentiel était d’abord d’évoquer toutes les phases de l’entrevue et de se former une opinion qui ne fût pas celle que lui imposaient de banales impressions d’amour-propre et une vague jalousie.
— Il les tient tous, disait-il avec agacement, et je crois même qu’il m’aurait mis dedans comme les autres, s’il n’y avait pas l’incident du Trianon… Et puis, non, non, c’est trop bête, son histoire !… La justice marchera peut-être. Pas moi ! Cela ne tient pas debout. Mais alors que veut-il ? Pourquoi se dévoue-t-il aux Mélamare ?… Et comment a-t-il l’audace de sortir de l’ombre et de se mettre en avant, comme s’il n’avait rien à risquer ? On va enquêter sur lui, on va fouiller dans sa vie, et il marche quand même ?…
D’Enneris enrageait aussi qu’Antoine Fagerault se fût insinué si adroitement auprès d’Arlette et eût pris sur elle, par des moyens qu’il ne discernait point, une influence incompréhensible qui contrecarrait la sienne, et qui se révélait si forte que la jeune fille avait agi en dehors de lui, et même en opposition avec lui. C’était là, pour d’Enneris, une humiliation dont il souffrait.
Le lendemain soir, Béchoux arriva, tout agité.
— Ça y est.
— Quoi ?
— La justice a coupé dedans.
— Comme toi.
— Comme moi ! comme moi, non… Mais j’avoue…
— Que tu es embobiné comme les autres, et que Fagerault vous a fait prendre des vessies pour des lanternes. Raconte.
— Tout s’est passé dans l’ordre