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Au milieu de son bureau, allongé sur un canapé, M. Lecourceux agonisait, le front troué et la figure baignée de sang. Il mourut sans avoir pu parler.

En quelques mots, les inspecteurs mirent Béchoux au courant. Ils avaient entendu la nommée Martin renouveler ses propositions relativement à certain rapport et compter les billets de banque, et ils s’apprêtaient à faire irruption dans le bureau lorsque M. Lecourceux, trop pressé, eut le tort d’appeler. Devinant aussitôt le péril, la femme avait dû pousser le verrou, car ils se heurtèrent à une porte close.

Ils voulurent alors lui couper la retraite en passant dans le vestibule. Mais la seconde porte résista également, bien qu’elle ne pût être, de l’extérieur, fermée ni à clef ni au verrou. Ils poussaient de toutes leurs forces. À cet instant, un coup de feu retentit.

— La femme Martin était déjà dehors cependant, objecta Béchoux.

— Aussi n’est-ce pas elle qui a tué, répliqua l’un des inspecteurs.

— Qui, en ce cas ?

— Ça ne peut être qu’un vieux homme mal fichu, que nous avions vu assis sur la banquette du vestibule. Il avait demandé audience, et M. Lecourceux ne devait le recevoir qu’après la visite de la femme.

— Un complice, sans aucun doute, dit Béchoux. Mais comment avait-il fermé la seconde porte ?

— Par un morceau de fer à crampon, glissé sous le battant. Impossible de pousser à fond.

— Et qu’est-il devenu, lui ? Personne ne l’a rencontré ?

— Si, moi, dit la concierge. Entendant la détonation, j’ai sauté de ma loge. Un vieux qui descendait me jeta tranquillement : « On se bat là-haut. Montez donc. » Probablement que c’était lui qui avait fait le coup. Mais comment le soupçonner ? Un bonhomme cassé… qui ne tient pas debout… et qui boite.

— Qui boite ? s’écria Béchoux. Vous êtes sûre ?

— Sûre et certaine, et qui boite très bas encore.

Béchoux marmotta :

— C’est le complice de Laurence Martin. La voyant en danger, il a supprimé M. Lecourceux.

D’Enneris avait écouté, tout en examinant du coin de l’œil les chemises des dossiers amoncelés sur le bureau. Il demanda :

— Tu ne sais pas de quel rapport il s’agit et ce que Laurence Martin désirait obtenir ?

— Non. M. Lecourceux ne l’avait pas encore précisé. Mais il s’agissait d’obtenir qu’un des rapports dont était chargé le conseiller municipal fût modifié dans un certain sens.

D’Enneris lisait les titres : Rapport sur les abattoirs… Rapport sur les halles de quartier… Rapport sur le prolongement de la rue Vieille-du-Marais… Rapport…

— À quoi donc penses-tu ? lui dit Béchoux, qui allait et venait, fort ennuyé de l’événement. C’est une sale affaire, hein ?

— Quelle affaire ?

— Mais cet assassinat…

— Je t’ai déjà dit que je me con-