Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/60

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torze inscrit au goudron sur une barrière à moitié démolie.

Quelques mètres de couloir en plein air, remplis de vieux pneumatiques et de châssis d’automobiles hors d’usage, enveloppent une sorte de garage en bois marron, avec un escalier extérieur qui monte vers des mansardes que percent les deux seules fenêtres de cette façade. Sous l’escalier, une porte avec ce mot : « Frappez. »

D’Enneris ne frappa point. À la vérité, il hésitait. L’idée d’attendre Arlette dehors semblait plus logique. Mais, en outre, une impression mal définie, qui s’insinuait en lui, le retenait. L’endroit lui paraissait si bizarre, et il était si étrange qu’une jeune fille malade pût habiter l’une de ces mansardes, au-dessus de ce garage isolé, qu’il eut soudain le pressentiment de quelque piège tendu à Arlette et qu’il évoqua la bande sinistre qui évoluait autour de cette affaire et qui multipliait ses attaques avec une hâte inconcevable. Dès le début de l’après-midi, tentative de corruption et assassinat du conseiller municipal. Deux heures plus tard, machination contre Arlette qu’on attire dans un guet-apens. Comme agents d’exécution, Laurence Martin, la mère Trianon et le vieux qui boitait. Comme chef, Antoine Fagerault.

Tout cela se présentait à lui d’une façon si rigoureuse que ses doutes furent aussitôt emportés, et, ne songeant pas que les complices pussent être déjà là, puisque aucun bruit ne venait de l’intérieur, il conclut que le plus simple était d’entrer et de se mettre lui-même à l’affût.

Il essaya très doucement d’ouvrir. La porte était fermée à clef, ce qui le confirma dans sa certitude qu’il n’y avait personne.

Hardiment, sans même envisager les risques d’une bataille possible, il crocheta la serrure, dont le mécanisme était peu compliqué, pesa contre le battant et glissa la tête. Personne en effet. Des outils. Des pièces détachées. Quelques douzaines de bidons d’essence rangés les uns sur les autres. Somme toute un atelier de réparation qui semblait abandonné et transformé en dépôt d’essence.

Il poussa davantage. Ses épaules passèrent. Il poussa encore. Et subitement il eut la sensation qu’un choc formidable l’atteignait en pleine poitrine. C’était un bras de métal, fixé à la cloison, actionné par un ressort, et qui, lorsque le battant prenait une certaine position d’ouverture, se déclenchait avec une violence inouïe.

Durant quelques secondes, d’Enneris demeura suffoqué et chancela, perdant ainsi tous ses moyens de résistance. Cela suffisait aux adversaires qui le guettaient, postés derrière les piles de bidons. Et, bien que ce ne fussent que deux femmes et un vieillard, ils eurent tout loisir de lui lier les bras et les jambes, de le bâillonner, de l’asseoir contre un établi de fer et de l’y attacher solidement.

D’Enneris ne s’était pas trompé dans ses suppositions : un guet-apens était préparé contre Arlette, et c’est lui, le premier, qui s’y jetait étour-