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Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/69

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pâle encore et toute fiévreuse, vaillante cependant.

— Allons-nous-en, dit-elle. Je ne veux pas rester plus longtemps. Et je ne veux pas non plus savoir ce qui s’est passé, et non plus que maman le sache. Plus tard, vous me raconterez cela.

— Plus tard, oui, fit d’Enneris. Mais en attendant, il faut que nous vous défendions mieux que nous ne l’avons fait contre les attaques. Et pour cela, il n’est qu’un moyen, c’est de nous concerter tous deux, M. Fagerault et moi. Le voulez-vous, monsieur ? Si nous nous entendons, Arlette est hors de danger.

— Certes, s’écria Fagerault, et soyez sûr que, pour ma part, je ne suis pas bien loin de la vérité.

— À nous deux, nous la découvrirons tout entière. Je vous dirai ce que je sais, et vous ne me cacherez rien de ce que vous savez.

— Rien.

D’Enneris lui tendit la main, d’un geste spontané, auquel l’autre riposta par un geste non moins chaleureux.

— Je vous ai mal jugé, monsieur, fit d’Enneris. L’homme qu’a choisi Arlette ne peut être indigne d’elle.

L’alliance fut conclue. Jamais d’Enneris n’avait donné une poignée de main où il y eût plus de haine inassouvie et un tel désir de vengeance, et jamais cependant adversaire n’avait accueilli ses avances avec plus de cordialité et de franchise.

Ils redescendirent tous trois devant le garage. Arlette, trop fatiguée pour marcher, pria Fagerault de chercher une voiture. Et, tout de suite, profitant de ce qu’elle était seule avec Jean d’Enneris, elle lui dit :

— J’ai des remords envers vous, mon ami. J’ai fait beaucoup de choses sans vous en prévenir, et des choses qui ont dû vous être désagréables.

— Pourquoi désagréables, Arlette ? Vous avez contribué à sauver M. de Mélamare et sa sœur… n’était-ce pas mon intention également ? D’autre part, Antoine Fagerault vous a fait la cour, et vous avez accepté de vous fiancer à lui. C’est votre droit.

Elle se tut. La nuit tombait, et d’Enneris voyait à peine son joli visage. Il demanda :

— Vous êtes heureuse, n’est-ce pas ?

Arlette affirma :

— Je le serais tout à fait si vous me gardiez votre amitié.

— Ce n’est pas de l’amitié que j’ai pour vous, Arlette.

Comme elle ne répondait pas, il insista :

— Vous comprenez bien ce que je veux dire, n’est-ce pas, Arlette ?

— Je le comprends, murmura-t-elle, mais je ne le crois pas.

Et, vivement, d’Enneris se rapprochant, elle reprit :

— Non, non, ne parlons pas davantage.

— Comme vous êtes déconcertante, Arlette ! Je vous l’ai dit dès les premiers jours. Et j’éprouve encore près de vous cette impression d’une chose