Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/20

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Gorgeret suffoquait :

— Elle était là ! La maîtresse du grand Paul était là ! C’est une sale affaire pour vous, mon petit monsieur.

— Une sale affaire pour moi si vous prouvez que la maîtresse du grand Paul était là. Mais c’est précisément ce qu’il faut démontrer.

— Mais puisque vous l’avouez…

— En tête à tête, oui, et les yeux dans les yeux. Sinon… bernique.

— Mon témoignage d’inspecteur principal…

— Allons donc, on n’a jamais le courage de proclamer qu’on a été roulé comme un collégien.

Gorgeret n’en revenait pas. Qu’est-ce que c’était que ce « coco »-là, qui semblait prendre plaisir à le braver ? Il eut envie de l’interroger, de lui demander son nom et ses papiers. Mais il se sentait dominé d’étrange façon par ce singulier personnage. Il dit simplement :

— Ainsi, vous êtes un ami de la maîtresse du grand Paul ?

— Moi ? je l’ai vue trois minutes.

— Alors ?

— Alors elle me plaît.

— Et c’est un motif suffisant ?…

— Oui. Je ne veux pas qu’on embête les gens qui me plaisent.

Gorgeret serra son poing et le brandit dans la direction de M. Raoul, lequel, sans s’émouvoir, se hâta vers la porte du vestibule et en fit fonctionner la serrure du premier coup, comme si c’eût été la serrure la plus complaisante du monde.

L’inspecteur enfonça son chapeau sur sa tête et sortit par cette porte grande ouverte, le torse bombé, la figure crispée, en homme qui saura bien attendre, et trouver l’heure de la revanche.

Cinq minutes plus tard, après avoir constaté, par la fenêtre, que Gorgeret et son collègue s’en allaient lentement, ce qui impliquait que la jolie blonde ne courait plus