Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/63

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taille était là, dans cet espace limité, et que quelque chose allait se passer où sa présence et celle de ses agents étaient indispensables ?

Il résolut d’entamer la lutte sans retard, et d’attirer sur lui-même la menace aveugle de l’ennemi. Il lui frappa doucement l’épaule, et, quand Valthex se retourna, il aperçut la figure narquoise de ce Raoul qu’il exécrait et dont il avait peur.

— Vous… vous… murmura-t-il, avec une expression de haine. Vous êtes là pour elle ?… Vous l’accompagnez ?

Il se domina. Quoiqu’ils fussent en arrière de la foule massée, il y avait autour d’eux des allées et des venues, des gens qui essayaient de voir, des machinistes, des habilleuses… Une intonation trop élevée eût été entendue.

Raoul ricana, sur le même ton, en sourdine :

— Ma foi, oui, je l’accompagne. Elle m’a confié la mission de la protéger… Il paraît qu’il y a des coquins qui courent après elle. Tu penses si ça me fait rigoler.

— Pourquoi ça te fait-il rigoler ? gronda l’autre.

— Parce que quand j’entreprends quelque chose, ça réussit toujours. C’est une habitude.

Valthex frissonna de rage.

— Tu as réussi ?

— Parbleu !

— Des blagues ! Tu n’auras réussi que quand je ne vivrai plus. Et je vis ! Et je suis là !

— J’y suis aussi. Et j’y étais tantôt, dans la cave.

— Hein ! quoi ?

— Le jockey, c’était moi.

— Misérable !

— Et c’est moi qui avais amené la police, pour te prendre au gite.

— Coup raté, dit l’autre, essayant de rire.

— Coup raté, tantôt. Mais, ce soir, l’affaire est dans le sac.

Valthex se serra contre lui, et les yeux dans les yeux :

— Qu’est-ce que tu chantes ?

— Gorgeret est ici, avec ses copains.

— Tu mens !

— Il est ici. Je t’avertis pour que tu fiches le camp. Vite. Décampe. Tu as le temps…

Valthex épia les alentours de ses yeux hagards, l’air d’une bête traquée. Certes, il accepta, visiblement, l’idée de fuir, et Raoul se réjouit, pensant avant tout au salut d’Antonine. Valthex parti, c’eût été un jeu de défendre la jeune fille contre la police.

— Va, va, galope… Voyons, c’est trop bête de rester… Galope.

Trop tard. La danseuse apparaissait, bondissant hors de la scène.

Et, en même temps, surgissait, venant de l’escalier et courant entre les loges d’artistes, Gorgeret, suivi de