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Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/74

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Sosthène se releva, examina le tableau sous un autre angle, lorgna la Seine et s’inclina encore, tenant à la main un binocle qu’il braquait à des intervalles divers. Et il poursuivit :

— Le marquis rapplique de Suisse après-demain. C’est la petite qui est venue hier et qui l’a dit à la concierge, pour qu’elle le redise aux domestiques. Donc, la petite et le marquis correspondent. Où demeure-t-elle ? Impossible de le savoir. Quant à Courville, il a encore fait déménager quelques meubles, et j’ai la preuve que c’est bien lui. Donc, il travaille avec le sieur Raoul et se promène aussi par là, m’a dit la concierge.

Le rapin, tout en prêtant l’oreille, avait dressé son pinceau dans l’espace, comme pour prendre des mesures. Le complice dut considérer ce geste comme un signal, car il jeta un coup d’œil du côté indiqué et aperçut un vieillard mal vêtu qui bouquinait à même un étalage du parapet. S’étant retourné, le vieillard exhiba une barbe blanche si admirable et si carrée qu’il n’y avait pas moyen de s’y tromper.

Sosthène murmura :

— J’ai vu. C’est Courville. Je m’accroche à lui. Rendez-vous ce soir chez le bistrot d’hier.

S’éloignant, il se rapprocha peu à peu de Courville. Celui-ci effectua quelques évolutions destinées sans nul doute à faire perdre sa piste à quiconque le suivrait, mais comme il pensait à tout autre chose qu’à examiner la tête des gens, il ne remarqua ni le grand Paul ni son complice, et s’en fut vers Auteuil en remorquant le bourgeois à l’aspect du pêcheur à la ligne.

Le grand Paul attendit une heure. Clara ne vint pas ce soir-là. Mais, Gorgeret apparaissant à l’horizon, il ramassa vivement son attirail de peintre et s’esquiva.

Le soir, les hommes de sa bande se retrouvaient au Petit-Bistrot de