Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/8

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— Vous étiez donc tout seul ?

— Nous étions trois. Mais le grand Paul a commencé par estourbir les deux autres.

— C’est un rude type !

— N’empêche que je le tenais !…

— À votre place, je ne l’aurais pas lâché.

— À ma place, mon bonhomme, t’aurais été estourbi, comme les deux autres. D’ailleurs, tu es réputé comme idiot.

C’était là un argument décisif dans la bouche de l’inspecteur principal Gorgeret, pour qui ses subalternes étaient tous des idiots et qui, lui, se targuait d’être infaillible et d’avoir toujours le dernier mot dans les luttes entreprises.

Flamant parut s’incliner et prononça :

— Somme toute, vous avez eu de la chance. Le drame de Volnic pour commencer… Aujourd’hui, vos histoires avec le grand Paul et Clara… Savez-vous ce qui manque à votre collection ?

— Quoi ?

— C’est l’arrestation d’Arsène Lupin.

— Je l’ai raté deux fois d’une seconde, celui-là, bougonna Gorgeret, et la troisième sera la bonne. Pour le drame de Volnic, j’ai toujours un œil sur l’affaire… comme j’ai l’œil sur le grand Paul. Quant à Clara la Blonde…

Il saisit le bras de son collègue.

— Attention ! voici le train…

— Et vous n’avez pas le mandat !…

Gorgeret lança un coup d’œil circulaire. Personne ne venait vers lui. Quel contretemps !

Là-bas, cependant, tout au bout d’une des lignes, le poitrail massif d’une locomotive débouchait. Le train s’allongea peu à peu, le long du quai, puis stoppa. Les portières s’ouvrirent et des grappes de gens envahirent le trottoir.

À la sortie, le flot des voyageurs se canalisa et s’étira sous l’action