Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
LA MACHINE À COURAGE

Avec Allen je rencontre un maître de technique vocale, William Vilonat — un énorme et curieux homme qui semble tout en vibrations ; sa tête souriante, est ronde, comme une boule posée sur une bouée. Il flotte au lieu de marcher.

Il m’a entendue dans « Ariane » et sait exactement pourquoi et à quelle place j’empêche ma voix d’être immatérielle. Quelque chose semble attaché… influence de la tragédie, excès de nervosité. Il me donnera totale la libération que je cherche et avec sa technique ma voix sera plus souple et plus proche de ma pensée. Je ne paierai rien, mais il demande ma parole de ne pas chanter en public avant son autorisation, il ne sait pas s’il me faudra des mois ou des années pour posséder sa méthode. Je donne ma parole avec joie. Chaque jour je recommence avec lui l’A. B. C. de la voix. Mon esprit adopte les lois nouvelles qu’il trouve justes, mais je ne puis les imposer tout de suite aux muscles habitués à donner à la voix un concours dont elle doit s’affranchir.

Il me fallut seulement sept mois… j’étais prête à consacrer des années à cette étude. On ignore trop souvent la part de divin que réellement contient la voix humaine. Beaucoup de belles voix sont perdues après quelques années d’exercice. Nées dans l’espace, faites pour lui, elles sont peu à peu étouffées par une vie uniquement matérielle. Pour cela on comprend pourquoi certaines voix restent toutes jeunes dans un corps qui vieillit. Les voix qui s’en vont avec le temps sont « matière ». Celles qui sont esprit restent dans l’être aussi longtemps que la vie.